Capitaine Renardallait de compagnie Avec son ami Bouc des plus hautencornés. Celui-ci ne voyait pas plus loin que son
nez ; L'autre étaitpassé maîtreen fait de tromperie. La soif les obligea de descendre en un puits. Là chacun d'eux sedésaltère. Après qu'abondamment tous deux en eurent pris, Le Renard dit au Bouc : Que ferons-nous,compère ? Ce n'est pas tout de boire, il faut sortir
d'ici. Lève tes pieds en haut, et tes cornes
aussi : Mets-les contre le mur. Le long de tonéchine Je grimperai premièrement ; Puis sur tes cornes m'élevant, A l'aide de cette machine, De ce lieu-ci je sortirai, Après quoi je t'en tirerai. — Par ma barbe, dit l'autre, il est
bon ; et jeloue Les gens biensenséscomme toi. Je n'aurais jamais, quant à moi, Trouvé ce secret, je l'avoue. Le Renard sort du puits, laisse son compagnon, Et vous lui fait un beausermon Pour l'exhorterà patience. Si le ciel t'eût, dit-il, donnépar excellence Autant dejugementque de barbe au menton, Tu n'aurais pas, à la légère, Descendu dans ce puits. Or, adieu, j'en suishors. Tâche de t'en tirer, et fais tous tes
efforts : Car pour moi, j'ai certaine affaire Qui ne me permet pas d'arrêter en chemin. En toute chose il faut considérer la fin.